Extrait

Ce livre m’a ravi.

Erik Orsenna

En 1884, la ville [de Nantes] étudie les propositions faites par la Compagnie Générale des Eaux pour la mise à l’étude d’un nouveau mode de nettoiement des rues. « Mais cette opération, si tant est que cela s’opère, donnera lieu à des dépenses considérables et à des travaux de longue durée »43. Le projet est alors abandonné et le bail renouvelé pour cinq ans avec les Grandjouan. La ville ne trouve pas de solutions moins onéreuses que celles proposées par François Grandjouan, puis par son fils Paul-François.

À chaque nouvelle adjudication, ce sont les Grandjouan qui présentent les prix les plus bas même s’ils restent supérieurs à ce que la ville escomptait. Certes, en 1884, les frères Hémion obtiennent l’adjudication d’un lot. Mais ils ne recevront une subvention annuelle que de 8980 francs pour un marché total de 48 980 francs. Et ils perdront même ce marché cinq ans plus tard44.

L’outil essentiel de la propreté à Nantes : une benne hippomobile de l’exploitation Grandjouan.
On remarquera le prélart (bâche) roulé, qui sert à maintenir les ordures sur le chemin du parc à fumier,
et l’échelle à l’arrière, nécessaire pour que le tombelier puisse vider les immondices dans la benne.
© Archives de la CGEA, désormais aux Archives nationales du monde du travail (Roubaix)

Il faut dire que l’éloignement continuel du parc à fumier explique en partie cette augmentation du coût de la répurgation pour la ville. Du temps de Madame Boisgontier, entre 1814 et 1827, le parc était situé dans les prairies de la Magdeleine, presque dans l’intérieur de Nantes. Les conducteurs de tombereaux pouvaient alors effectuer plusieurs voyages dans la même journée, d’où des économies en personnel et en matériel. Avec un parc désormais situé à sept kilomètres, dans la commune des Sorinières, on assiste « nécessairement à une augmentation du nombre des employés, de celui des chevaux, à un accroissement des charges pour l’entretien et les réparations des voitures, harnais, etc. à un approvisionnement considérable de fourrages, à des locations élevés pour les ateliers, écuries et granges, enfin à plus de chance de mortalité pour les chevaux »45. Alors que le cahier des charges prévoit 40 tombereaux, François Grandjouan est obligé d’en avoir 50. Il possède également 80 chevaux et emploie 60 conducteurs et 100 balayeuses. De trois lieux de dépôt à la fin du siècle, la ville n’en a plus qu’un en 1914, celui de la Malnoue. Ce parc est situé à six kilomètres au sud de Nantes, sur la nationale 137, et la ville n’en est même pas propriétaire46.

Montant des indemnités versées en 1899 par dix villes de France
à des entrepreneurs chargés du nettoiement et de l’enlèvement des immondices

VillesNombre
d’habitants
Indemnité
annuelle
(francs de 1899)
Coût/habitant
(francs)
Qualité
du service
Lyon466 769445 0000,95
Marseille447 344440 0000,98mal fait
Bordeaux256 906410 0000,60bien fait
Toulouse149 01298 2600,66mal fait
Saint-Étienne135 78465 0001,95
Le Havre118 478188 0001,59
Nantes125 757108 0000,86
Nice106 73494 0000,88
Angers76 07467 0000,88
Rennes69 01590 0001,30

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43. Archives départementales de la Loire-Atlantique, 2.0.990. Nantes, délibération du conseil municipal du 6 mars 1884.
44. Les frères Hémion sont même peut-être affiliés à la famille Grandjouan.
45. Cf. Archives municipales de Nantes, II, Projets sur la Répurgation de Monsieur Sibille, adjoint, du 30 novembre 1871.
46. Pour le problème de la Malnoue, autorisations, agrandissements, etc., cf. Archives départementales de la Loire-Atlantique, 2.0.990.