Participation à un ouvrage collectif sur la foi. Yves Amiot, Jean Bastaire, Anne Bernet, Alain Besançon, Bruno Bioul, Joachim Bouflet, Thierry Boutet, Rémi Brague, Yves Chiron, Jean Delumeau, Ghislain de Diesbach, François-Georges Dreyfus, Jacques Duquesne, François Foucart, Christophe Geffroy, Gérard Leclerc, Jean Madiran, Philippe Maxence, René Rémond, Jean Salvan, Jean Sévillia, Denis Sureau, Eric Werner.
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Extrait
En tant que croyant, avez-vous jamais été ébranlé par le doute ? Dans quelles circonstances ? Sur quoi ce doute a-t-il porté et comment y avez-vous répondu ?
Oui, j’ai été ébranlé par le doute, c’est-à-dire par une suspension douloureuse du jugement qui faisait que je ne savais plus qui, que, quoi croire. Et si le Christ n’était pas ressuscité ? Et si les apôtres s’étaient trompés ? Et si l’Église se fourvoyait dans l’interprétation des évangiles ? Et si la foi n’était qu’illusion ? Et si les maîtres du soupçon (Nietzsche, Marx et Freud) avaient raison, ou du moins n’avaient pas tort… ? Et si… ? Et si… ? J’expérimentais existentiellement, faisais mienne cette phrase (de Blaise Pascal je crois) : « il y a suffisamment de raison pour celui qui ne veut pas croire de ne pas croire et pour celui qui veut croire de croire ». Il ne s’agissait pas d’un pari, comme si, ne sachant pas, je jouais à pile ou face. Non, il s’agissait plutôt d’un moment où la volonté a été particulièrement sollicitée alors que l’intelligence était comme paralysée ou obscurcie. Je suis entré, un peu, un tout petit peu, dans la logique de l’amour qui patiente, croit, espère contre toute espérance. Ma foi n’avait pas d’autre appui qu’une confiance en Dieu et dans ce que m’affirmait l’Église. Lorsqu’on s’enferme trop dans ses savoirs, ses certitudes, lorsqu’on s’approprie les dons de Dieu, ce dernier fait bien de nous dépouiller, pour que nous percevions à nouveau la foi comme un don et non un dû.
Je sais bien qu’on peut m’objecter qu’il n’y a pas pire crédule que celui qui veut croire, que si je n’ai pas rejeté Dieu c’est parce que je ne pouvais pas faire autrement. Oui, je sais bien qu’on peut m’objecter cela et bien d’autres choses encore. Mais que puis-je dire sinon que pour sortir du solipsisme, menant tout droit au nihilisme, dans lequel j’étais entré, j’ai choisi de faire confiance à Dieu et que je m’en suis trouvé non seulement mieux, mais plus dilaté, paradoxalement à la fois plus humble, plus compréhensif, et plus assuré, plus convaincu ?
